B) La gamme au cours du temps et quelques bases solfègiques
La gamme peut être considérée comme une échelle, en musique. Elle permet en effet de définir la valeur de tous les intervalles sur une
échelle musicale, par la définition de hauteurs. Elle est par conséquent, dans la musique européenne, un élément fondamental de la construction des
accords, et plus largement de celle des partitions. Notre histoire musicale dépend fortement des différentes gammes apparues depuis l'antiquité.
1) Les gammes au cours du temps :
a) Des unités et des formules particulières
La présentation de hauteur et d'intervalle nécessitent premièrement la présentation de formules mathématiques et d'unités qui leur sont propres. Nous
utiliserons tout d'abord le logarithme, très important dans le rapport des intervalles. En effet, dans des termes physique, le rapport, par exemple, d'une
octave est 2, c'est à dire la multiplication entre le rapport d'une quarte (4/3) et le rapport d'une quinte (3/2). Pourtant, lorsque nous l'entendons, c'est la
somme d'un quarte et d'une quinte que nous percevons. Le logarithme d'une multiplication est donc égal à sa transformation en somme, tandis qu'à
l'inverse le logarithme d'une division est égale à une soustraction.
Logarithme d'un produit: Logarithme d'un quotien:
Nous nous servirons aussi du cent qui est l'unité utilisée pour définir les intervalles, car elle permet de déterminer une hauteur dans sa généralité, sans
avoir à préciser une fréquence. Un demi-ton est composé de 100 cents, c'est à dire que 1 cent est égale à 1/100ème de demi-ton, de même qu'une
octave est composée de 1200 cents, 1 cent étant donc égal à 1/1200ème d'octave. Pour pouvoir calculer un intervalle I, en cents, il existe une formule:
Le cent est une unité anglo-saxone mais il existe une autre unité, le savart, très utilisé en France juqu'à il y a quelques années, mais que nous ne
développerons pas car il a été abandonné depuis au profit du cent.
b) Le système pythagoricien
Depuis l’apparition de la musique à l’antiquité, la gamme n’a pas toujours été la même. Elle a en effet évolué pour devenir celle que nous utilisons
aujourd’hui, la gamme tempérée.
La première gamme a avoir existé, et celle qui fut le plus longtemps utilisée, est la gamme de Pythagore, inventée durant l'antiquité et employée jusqu'à
la fin du moyen âge.
Elle se fonde uniquement sur des accords de quinte pure, car cet intervalle est considéré comme le plus consonant dans la musique occidentale. Cet
intervalle est composé de deux notes qui sont séparées par 3 tons et un demi-ton, et correspond au rapport de la fréquence de ces deux notes en 3/2.
En effet, lorsque la note la plus haute émet trois vibrations, la plus basse en émet deux.
Pythagore se basait sur le principe que tout pouvait être expliqué par les mathématiques, y comprit la musique. Tout commence lorsqu’un jour,
Pythagore remarque qu’il y a un lien entre la longueur d’une corde tendue et la hauteur de la note qu’elle émet. Le son est de plus en plus aigu quand
on diminue la taille de la corde. Il crée sur cette base un instrument, le monocorde, qui comporte une corde tendue sur une caisse de résonnance. C'est
sur cet instrument que se basera sa gamme pythagoricienne
Monocorde:
Comme expliqué précédement, la quinte pure, sur laquelle se base cette gamme, est définie par un rapport de 3/2. C'est sur ce principe que pythagore
utilise le monocorde. Il prend les deux tiers de la corde, ce qui lui donne une première quinte, puis il prend les deux tiers de cette nouvelle portion de
corde, créant une deuxième quinte, et ainsi de suite jusqu'à la douxième quinte où l'on remarque que la note obtenue est très proche de la note de
départ. On peut remarquer que ce rapport est aussi environ égal à sept octaves, qui est un intervalle composé de deux notes que l'oreille considère
comme identique car le rapport de fréquence de ces deux notes est égal à deux. En s'appuyant sur ce rapport on peut calculer que sept octaves
sont égaux à 2 puissance 7, c'est à dire à 128, tandis que douzes quintes sont égales à 3 sur 2 à la puissance 12, c'est à dire à 129.75. L'intervalle
entre les deux est donc, en utilisant la formule présentée dans la première partie:
I(cents) = (log(129.75/128)/log 2)x 1200 = 23.5 cents
L'intervalle entre les deux est appelé un "comma pythagoricien".
On choisira de raccourcir l'étendue de douzes quintes à celle de sept octaves car les musiciens favorisent l'utilisation d'octave pures, la derniére quinte
superposée, qui subit cette modification est donc par conséquent légèrement différente des douzes autres quinte; elle est appelée "quinte du loup", du
fait de sa grande dissonance, qui ressemble à un animal qui hurle.
A la suite de cela, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, la gamme formée sur ce principe ne fut pas réalisée par Pythagore lui-même, mais
par ses disciples. Ils prirent donc toutes les notes qui résultèrent de la superposition des quintes sur le monocorde, obtenant ainsi douzes notes, qu'ils
ramenèrent à la même octave. La gamme crée fut appelée "gamme chromatique"*, qui est composée de douze notes, toutes séparées d'un demi-ton.
La gamme fut beaucoup utilisée au moyen-âge, car elle correspondait parfaitement au caractère recherché à l'époque, mais elle est délaissée à la fin de
celui-ci, car la tierce majeure pure commence à être recherchée par les compositeurs pour sa consonance, or celle de Pythagore n'était pas vraiment
stricte. En effet, on peut voir une légère différence entre les deux, qui crée un caractère dissonant chez la tierce pythagoricienne, mais aussi à cause de
sa quinte du loup, très dissonante.
Shéma montrant la quinte du loup et le comma pythagoricien
c) Le système Zarlinien
Puis, une autre gamme se développe, appelée gamme naturelle, et qui se fonde sur l'accord de tierce majeure juste. Elle est inventée par
Gioseffo Zarlino. Elle garde certaines notes identiques à la gamme de pythagore mais en change d'autres afin qu'elles soient plus strictes, c'est à dire
pures. Mais la superposition de ces intervalles en crée de nouveaux très compliqués, dont les écart sont même parfois différents entre des intervalles de
même nature. Il y a par exemple deux sortes de secondes : la première valant 204 cents, appelée ton majeur, et la seconde valant 182 cents, appelée
ton mineur (mais ce n'est pas une seconde mineure). L'existence de ces deux tons oblige donc celle de 4 demi-tons, ce qui crée un système très
complexe, car une même note peut correspondre ici à deux sons différents, ce qui necessite deux touches pour une même note. La gamme de
Zarlino n'est donc utilisable que de manière théorique car bien trop compliquée à mettre en oeuvre (un théoricien du XVIème siècle, Nicola Vicentino,
dut construire un clavecin avec 6 claviers et 132 notes, dont 31 octaves, pour mettre ce système en place).
d) La gamme tempérée
Au vu de tous les accords compliqués et souvent dissonants créés par les gammes précédentes, la mise en place d'un système tempéré propose une
vision totalement différente de la décomposition de la gamme, qui ne se base pas, cette fois-ci, que sur la pureté de certains accords, mais plutôt sur la
division d'une octave en parties égales. Contrairement à ce que l'on pense, l'idée de diviser l'octave en douzes parties égales n'est pas
apparue miraculeusement à la renaissance. Elle est en effet apparue dès le XVIème siècle en Chine, mais est abandonnée pour cause de manque
d'approfondissement. Ce n'est alors qu'au XVIIIème siècle, en 1732, que le système tempéré est décrit par Johann Georg Neidhart, qui consiste à la
division d'une octave en douze intervalles égaux. Le demi-ton tempéré est ainsi créé, ayant la valeur de chacune des intervalles de cette gamme de
douze degrés appelée chromatique.
Gamme chromatique ascendante et descendante tempérée
La gamme tempérée offre un bon compromis car même si aucune intervalle n'est parfaitement juste, elle permet un accès simple à toutes les tonalités*,
en évitant au maximum les dissonances. La tonalité est donnée par la première note d'une gamme, "do" pour la gamme de "do" majeur ou "mi" pour la
gamme de "mi" majeur, qui donne son caractère à la partition. Le système tempéré ayant contenté tout le monde il est encore utilisé aujourd'hui dans la
musique classique européenne.
2) Explications solfégiques
La gamme telle qu’on la connait aujourd’hui est une suite de notes qui peut être ascendante ou descendante, même si elle est le plus souvent présentée
sous sa forme ascendante. Elle est composée de sept degrés, dont le premier est la tonique, qui donne son nom à la gamme, par exemple la gamme
dont la tonique est "do" est nommée « gamme de do ».
Exemple de la gamme de do majeur :
Les autres degrés ci-dessus, représentent chacun un rôle dans la gamme. Les trois « degrés principaux » de la gamme sont la tonique, la
dominante et la sous-dominante, car les accords qui partent de chacune de ces notes sont très importants dans l’écriture des partitions. Ces notes sont
chacune séparées par des intervalles, exprimés en tons et en demi-tons. Elles se basent sur la gamme tempérée, aussi appelée gamme chromatique,
dont le principe sera expliqué plus en détail ci-après. Elle comporte 13 notes toutes séparées par des demi-tons, tous égaux. Un demi-ton correspond
par exemple à l’écart entre un "do" et un "do dièse", ou entre un "mi" et un "fa". Un ton correspond à deux demi-tons.
Gamme chromatique ascendante et descendante :
La gamme ci-dessous est une gamme majeure, qui se reconnait par sa formation où toutes les notes sont séparées par un ton, excepté le troisième et
le quatrième degré qui sont seulement séparés par un demi ton, tout comme le septième et le huitième degré.
Gamme de Mi majeur :
Chaque gamme majeure a ce qui s’appelle une armure, qui définit quelle note aura un dièse ou un bémol.
Par exemple pour la gamme de "do" majeur, l’armure est vierge car il n’y a aucun dièse ni aucun bémol, tandis que pour la gamme de "mi" majeur,
l’armure comporte quatre dièses, sur le "fa", le "sol", le "do" et le "ré". Ces dièses sont notés « à la clé », c'est-à-dire juste devant la clé de sol, et sont
notés par rapport à un ordre précis appelé « ordre des dièses », "fa", "do", "sol", "ré", "la", "mi," "si", qui existe aussi pour les bémols, dont l’ordre
correspond à l’inverse de celui des dièses. Par exemple pour l’armure de Mi majeur, on place d’abord sur la portée le Fa#, puis le Do#, le Sol# et enfin
le Ré#.
Armure de Mi majeur : Armure de Do majeur :
Clé de sol Portée*
Les dièses ou les bémols présents à la clé sont appelés « altérations ». Sur une armure, les altérations sont soit composées uniquement de bémols
soit de dièses mais les deux ne peuvent en aucun cas être mélangés. Ces altérations déterminent les intervalles entre les notes. En effet, sans le
dièse, l’écart entre le "mi" et le "fa" de la gamme de "mi" majeur ne pourrait pas être d’un ton, mais seulement d’un demi-ton. Et la gamme majeure doit
absolument respecter le schéma « ton, ton, demi-ton, ton, ton, ton, demi-ton ». Les dièses et les bémols, qui permettent respectivement d’enlever ou
d’ajouter un demi-ton, permettent à la gamme de respecter ce schéma.
Gamme de Mi majeur :
Ajout d’un dièse pour respecter le schéma
Chaque gamme majeure a aussi une gamme qui lui est associée appelée « gamme relative mineure ». Cette gamme comporte la même armure
que la gamme majeure, mais son schéma est différent : il se compose de « 1 ton, 1 demi-ton, 1 ton, 1 ton, 1demi-ton, 1 ton, 1 ton ». La relative mineure
se trouve 1 ton et demi plus bas que la gamme majeure à laquelle elle correspond.
Gamme de Do majeur et sa relative mineure, La mineur :
Les gammes servent au final à déterminer les tonalités des partitions, c'est-à-dire le ton sur lequel se base la partition, et donc des accords qui les
composent. On discerne les accords majeurs, issus de la gamme majeure, des accords mineurs, issus de la gamme mineure, mais on leur attribue
à tous deux la même tonalité. Ce qui différencie ces deux types de gamme, c’est donc leur mode.
Une partition comporte en effet une tonalité mais aussi un mode, majeur ou mineur, même s’il peut changer au cours du morceau, tout comme la
tonalité.












